Rencontres internationales du documentaire de Montréal

La beauté de Gaza 

La bande de Gaza est généralement associée à des images d’hommes armés, de femmes en pleurs, de bombes et de désolation. Pourtant, ce territoire coincé entre Israël et la Méditerranée est aussi un lieu chargé d’histoire et de beauté.

Dans son plus récent documentaire, L’Apollon de Gaza, le réalisateur suisse Nicolas Wadimoff a choisi d’explorer les charmes méconnus de l’enclave palestinienne. Son fil conducteur : une quête visant à retrouver une statue d’Apollon qui avait été repêchée au large de la bande de Gaza un jour d’août 2013, et qui avait soulevé un intérêt commercial et médiatique avant de disparaître on ne sait trop où.

Qu’est-il arrivé à l’Apollon de Gaza ? Dès le début du film, on comprend qu’on ne connaîtra jamais avec certitude le fin mot de l’histoire. Que cette quête sert surtout de prétexte à Nicolas Wadimoff pour nous montrer Gaza comme on ne l’a jamais vue. On y découvre que ce territoire long d’une quarantaine de kilomètres recèle un musée archéologique et un jardin de cactus, qu’on y croise des joailliers, des collectionneurs d’art antique et des passionnés d’archéologie.

On apprend même que le gouvernement du Hamas, qui contrôle la bande de Gaza d’une main de fer, s’est doté d’un ministère des Antiquités.

« Gaza est une terre paradoxale, le territoire est de plus en plus dévasté, on y rencontre des situations de plus en plus difficiles, mais en même temps il y a des gens d’une ouverture extraordinaire et des paysages à couper le souffle », confie le réalisateur en entrevue téléphonique.

« Je voulais regarder cette terre sous un autre angle, et l’Apollon représentait une allégorie inouïe, c’est une parabole permettant de chercher la lumière et la beauté. »

— Le réalisateur Nicolas Wadimoff

Apollon est après tout le dieu de la beauté. Mais c’est aussi un dieu tout court. Dans ses films précédents, Nicolas Wadimoff dressait des constats d’échecs politiques. Les hommes ayant failli à faire la paix, « peut-être faut-il maintenant s’en remettre aux dieux », avance-t-il. Un dieu que le réalisateur traite presque comme un personnage, puisqu’il lui fait réciter en voix hors champ, au début et à la fin du film, un texte poétique inspiré par les récits sur l’oracle de Delphes.

Comme Obélix et la potion magique

Ce n’est pas la première fois que Nicolas Wadimoff aborde la thématique proche-orientale. Son premier documentaire racontait l’histoire d’un boxeur palestinien n’ayant d’autre choix que de combattre sous le drapeau israélien. Le deuxième a suivi de près les négociations de paix de Genève, et leur échec. Le troisième s’est attardé sur des lendemains de guerre à Gaza.

À chacun de ces films, Nicolas Wadimoff se disait que c’était la dernière fois qu’il s’attaquait à cette question. Mais il ne pouvait s’empêcher d’y revenir.

« Je suis tombé dans le Proche-Orient comme Obélix dans la marmite de potion magique », résume le cinéaste, ajoutant que cette terre agitée représente « le concentré de tous les problèmes qui agitent le monde ». Un concentré qui force la réflexion sur des thèmes chers au réalisateur, comme l’identité et l’appartenance.

Avec L’Apollon de Gaza, le cinéaste faisait face à un triple défi. Réussir à tenir le public en haleine tout en lui annonçant d’emblée ses couleurs : le mystère de la statue reste à ce jour irrésolu. Réussir à faire parler les Gazaouis sur un sujet délicat touchant le pouvoir en place. Et s’assurer que cet angle d’attaque oblique sur la réalité palestinienne n’enlève rien à la pertinence du film.

« Le film marchait sur des œufs. »

— Le réalisateur Nicolas Wadimoff

Au moment de notre entretien téléphonique, Nicolas Wadimoff revenait tout juste des premières projections du film à Bethléem et Ramallah, en Cisjordanie. Il était ravi de l’accueil qui lui a été fait.

« Les gens étaient contents, ils ont vu dans le film la possibilité de ce que pourrait éventuellement devenir la Palestine. »

Sait-on aujourd’hui ce qu’il est advenu de la statue de bronze dont le poids a été estimé à plus de 400 kg ? Elle est vraisemblablement « détenue » par quelque faction armée du Hamas, qui est incapable de monnayer son otage : passer un objet de cette valeur et de cette carrure aux contrôles israéliens relève de l’impossible.

L’Apollon de Gaza n’en continue pas moins à nourrir l’appât du gain. Encore récemment, note Nicolas Wadimoff, quelqu’un a essayé de le vendre sur l’internet…

L’Apollon de Gaza de Nicolas Wadimoff sera projeté aux Rencontres internationales du documentaire le 11 novembre, à 19 h, au Musée des beaux-arts de Montréal, et le 14 novembre, à 17 h, à la Cinémathèque québécoise.

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